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Voyage rocambolesque à Ingary
Jessica Ferland
Le Château de Hurle, ou Howl's Moving Castle en version originale, est un roman de type fantasy écrit par Diana Wynne Jones et publié en 1986. Il comporte deux suites, à savoir Le Château des nuages et, non traduite encore, House of Many Ways, en plus d’avoir été l’objet d'une adaptation cinématographique produite en 2004 par les studios Ghibli, au Japon, et plus précisément par le dessinateur et réalisateur de films d’animation Hayao Miyazaki, à qui l’on doit aussi Princesse Mononoké.
Diana Wynne Jones, née en 1934 à Londres et décédée en 2011 à Bristol, est une auteure britannique dont l’imagination n’a aucune limite. Ayant publié une trentaine de romans pour enfants et adultes, elle se spécialise dans les histoires fantastiques et de fantasy, particulièrement celles qui ont pour thème la sorcellerie.
Dans le royaume d'Ingary, Sophie, une jeune fille de 18 ans, doit reprendre les rênes de la boutique familiale à la suite du décès de son père. Croyant être vouée à mener une existence sans grand intérêt en raison de son statut d'aînée, elle se détrompe lorsque la maléfique Sorcière du Désert lui jette un mauvais sort qui la vieillit de plusieurs décennies. Devenue alors une dame âgée, elle quitte Halle-Neuve, sa ville natale, en quête d'une façon de se libérer du sortilège. Par un grand hasard, elle croise la route d'un château mouvant dont le propriétaire, le magicien Hurle, est au centre de rumeurs terrifiantes. Malgré la mauvaise réputation de celui-ci, Sophie pénètre dans le château, bien décidée à briser le maléfice.
L’histoire, construite avec beaucoup de doigté, entraîne le lecteur dans un tourbillon de péripéties si captivantes qu’il est impossible de s’en désintéresser. Celles-ci s’enchaînent les unes à la suite des autres, faisant ainsi en sorte de maintenir l’attention tout au long du roman. De plus, chaque chapitre, dont le titre réfère immanquablement à une action faite par les personnages (« Où Sophie parle aux chapeaux », « Où Sophie est contrainte d’aller chercher fortune », etc.), contient toujours plus d’une aventure, ce qui rend le roman riche en action et en rebondissements. Même si quelques éléments semblent parfois épars, rien n'est laissé au hasard. L'information, à travers la plume gracieuse de Diana Wynne Jones, est livrée au fur et à mesure que l’on avance dans le récit. De cette façon, on apprend tout ce qu’il y a à savoir sur les événements qui ont eu lieu par le passé et qui refont surface dans les pages à suivre. L'auteure, dont l'écriture est très fluide, décrit l'histoire de façon méticuleuse et soignée. La légèreté dont elle fait preuve, comme pour bercer le lecteur dans les rires et la bonne humeur, est telle une bouffée de fraîcheur qui perdure jusqu'à la dernière phrase.
Les personnages, bien qu'ils soient très nombreux, sont tous construits en profondeur. L'auteure exploite toutes les facettes de leur personnalité, de leurs qualités et de leurs défauts. Qu'ils soient aussi maléfiques que la Sorcière du Désert, superficiels comme l'est Hurle ou aussi humbles que Sophie, on ne peut s'empêcher de s'y attacher tant ils sont colorés, vivants et uniques. En effet, chacun a des caractéristiques qui lui sont plus ou moins propres. Pour citer un exemple, le rôle que joue la vieillesse dans la vie de Sophie lui permet de s’accomplir et de faire des choses qu’elle n’aurait jamais pu s’autoriser lorsqu’elle était jeune. Le statut d’aînée qu’elle a si souvent regretté lui confère donc la vie qu’elle avait souhaitée. Cette diversité au sein des personnages empêche la redondance et rend le roman très plaisant à lire.
Le film, dont le titre français est Le Château ambulant, possède autant de mérite que le livre malgré le fait qu'il n'y soit pas tout à fait fidèle. Effectivement, il s'y trouve une panoplie de différences par rapport à l'œuvre originale : certains lieux n'existent pas ou ont un autre nom, des personnages sont manquants alors que d'autres n'ont pas la même personnalité, le même passé, le même sexe ou les mêmes rapports avec les autres, sans compter que la trame de l'histoire est fondamentalement différente. Même si Sophie, dans les deux cas, a pour but de briser son maléfice ainsi que celui de Calcifer, ami et démon du feu qui est lié à Hurle, et que certaines scènes n'ont pas changé, les événements principaux prennent une tout autre tournure. Contrairement à celle du livre, l'histoire du film tourne principalement autour de la guerre qui fait rage dans le royaume d’Ingary et des tentatives de Hurle pour y mettre fin, alors que ce dernier perd peu à peu son humanité à mesure qu'il utilise ses pouvoirs et qu’il se transforme en oiseau géant afin de saboter les forces de l'ennemi ainsi que celles des dirigeants de Kingsbury, la capitale d'Ingary. Cependant, quelques-uns des choix faits par le réalisateur Hayao Miyazaki ne semblent pas injustifiés. Comme dans toute adaptation cinématographique, certaines modifications sont de mise. Après tout, il aurait été difficile d'intégrer autant d'événements et de personnages dans un long-métrage d'une durée de seulement 119 minutes.
Somme toute, Le Château de Hurle est un roman dont on ne sort pas indifférent. Le dynamisme de ses scènes, la légèreté de l'écriture, les personnages uniques et l'adaptation cinématographique qui, malgré ses dissemblances avec l'œuvre originale, la dépeint avec brio, plongent le lecteur dans un récit abracadabrant qui réchauffe le cœur.
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JONES, Diana Wynne, Le Château de Hurle, Paris, Pocket, 2005 [1986], 406 p. (Collection « Pocket Jeunesse »).
