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 Le Petit Prince 

un conte sur l’essentiel de la vie

 

 

Marie Hébert

 

 

   Le Petit Prince  est un conte philosophique universel, un incontournable de la littérature française. Malgré son apparence de récit jeunesse, ce livre s’adresse autant aux adultes qu’aux enfants puisqu’il permet différents niveaux de lecture. C’est un chef-d’œuvre, car il a la capacité d’engendrer une réflexion chez n’importe quel lecteur qui se plonge dans son univers.

 

   L’auteur, Antoine de Saint-Exupéry, est né à Lyon en 1900. Il devient pilote en 1921 et se mettra très tôt à écrire à propos de ses escapades aériennes. Il sera à la fois aviateur, écrivain, poète et reporter; il recevra le prix Femina et le Grand prix du roman de l’Académie française. On dit de Saint-Exupéry qu’il apprivoisait des animaux sauvages (lionceau, puma, renard) et qu'il les faisait monter à bord de son avion. Durant la Seconde Guerre mondiale, il est confronté à la cruauté humaine et développe des valeurs humanistes. Il publie Le Petit Prince en 1943. En 1944, il disparaît en vol.

 

   L’un de ses derniers écrits est donc Le Petit Prince, qui est aussi celui pour lequel il est le plus connu. Il s’agit du récit d’un aviateur qui s'écrase dans le désert du Sahara et qui fait la rencontre d’un petit garçon égaré disant être descendu des étoiles. Le pilote apprend à connaître son jeune ami même s’il est préoccupé par la réparation de son avion. Le petit prince lui assure venir de l’astéroïde B612, la minuscule planète qu’il entretenait en coupant ses baobabs et en ramonant ses volcans. Il lui parle de sa rose, dont les exigences et la coquetterie ont fini par lui déplaire et le pousser à partir. Il raconte ses mésaventures, ses passages sur plusieurs planètes habitées par des hommes aux multiples vices. Il finit son voyage sur Terre, où il rencontre un renard au discours philosophique avant de retourner vers le désert et de tomber sur notre aviateur.

 

   Les personnages de ce livre sont très attachants, à la fois grâce à l’univers qu’ils proposent et à leur étrangeté curieusement sympathique. L’aviateur, qui est aussi le narrateur, a une façon bien à lui de parler du monde. Avec une simplicité déconcertante et une charmante naïveté, il touche autant les jeunes que les adultes. Il parle du monde adulte comme d’un univers lointain qui ne rejoint pas l’essentiel de la vie : « Les grandes personnes m'ont conseillé de laisser de côté les dessins de serpents boas ouverts ou fermés, et de m'intéresser plutôt à la géographie, à l'histoire, au calcul et à la grammaire. C'est ainsi que j'ai abandonné, à l'âge de six ans, une magnifique carrière de peintre ». Ainsi, les «grandes personnes» ne s’intéressent qu’à des choses « raisonnables », selon lui, et tuent le talent, la passion.

 

   Il est possible d'établir des liens entre le personnage de l’aviateur et l’auteur puisque Saint-Exupéry était lui aussi pilote et qu’il ne fait aucun doute qu’une grande partie de lui est enracinée dans son œuvre. Cette dernière serait comme un cri du cœur qu’il souhaitait rendre éternel, une vérité que lui seul connaissait et qu’il se devait de partager. Le petit prince, quant à lui, serait peut-être l’incarnation de Saint-Exupéry alors qu’il était enfant. Il est présenté comme un drôle de petit bonhomme à l’air grave, porteur d’un univers extraordinaire qui alimentera le récit et le rendra magique aux yeux des enfants. Très sérieux,  il apprend à connaître la vie, les hommes et leurs vices avec une perplexité apparente. Il est confronté à des personnages hauts en couleur durant son voyage, par exemple un roi qui règne seul sur sa planète et qui donne des ordres absurdes au petit prince (tantôt il lui ordonne de ne pas bâiller, tantôt il lui ordonne de le faire), ce qui déconcerte le jeune homme qui se dira que « les grandes personnes sont bien étranges ».

 

   L’une des plus grandes forces de ce texte est qu’il contient des vérités fondamentales qui permettent de remettre en question notre perception de la vie. C’est une expérience morale puisqu’on y parle d’amour, d’amitié, de sagesse et qu’on est confronté à des critiques de la société à chaque rencontre du petit prince durant son voyage : on critique la monarchie avec un roi aux ordres absurdes, la société bourgeoise et consommatrice avec un vaniteux qui cherche les louanges, le vice avec un alcoolique qui boit pour oublier qu’il a honte de boire, etc. Le petit  prince  rencontre  un renard qui  lui  apprend deux réalités de la vie : « l'essentiel est invisible pour les yeux » et « [on] devien[t] responsable pour toujours de ce que [l'on a] apprivoisé ». Ces deux aphorismes résument des valeurs importantes pour Saint-Exupéry : la première, l'obligation d'être responsables les uns envers les autres (ce qui crée l’amitié); cela se voit par la relation entre le petit prince et sa rose. La seconde est qu’il faut garder son cœur d’enfant puisque, une fois adulte, on se fie trop souvent aux apparences et on oublie l’essentiel même de la vie.

 

   Le style d’écriture de Saint-Exupéry est très simple, épuré, pour convenir à un jeune public, mais cela n’empêche pas l’auteur de créer de superbes images avec son lexique élémentaire. Ainsi, lorsque le petit prince découvre sa rose, on a l’impression d’assister à son éclosion : « la fleur n'en finissait pas de se préparer à être belle, à l'abri de sa chambre verte. Elle choisissait avec soin ses couleurs. Elle s'habillait lentement, elle ajustait un à un ses pétales. Elle ne voulait pas sortir toute fripée comme les coquelicots. » Le texte est rempli de figures de style, entre autres de personnifications et d’hyperboles, qui lui donnent l’allure d’un poème. Les mots simples contribuent à livrer un message profond avec efficacité et, sous la plume de Saint-Exupéry, ils revêtent une nouvelle dimension. L’auteur utilise aussi des métaphores filées qui atteignent un sens de plus en plus subtil selon le niveau de lecture qu’on en fait. Par exemple, le petit prince s’interroge sur les moyens de défense de sa rose :

 

- Les épines, à quoi servent-elles ?

 

Le petit prince ne renonçait jamais à une question, une fois qu'il l'avait posée. J'étais irrité par mon boulon et je répondis n'importe quoi :

 

- Les épines, ça ne sert à rien, c'est de la pure méchanceté de la part des fleurs !

 

- Oh!

 

Mais après un silence il me lança, avec une sorte de rancune:

 

- Je ne te crois pas ! Les fleurs sont faibles. Elles sont naïves. Elles se rassurent comme elles peuvent. Elles se croient terribles avec leurs épines...

 

 

   Ainsi, il est possible de lire ce passage au pied de la lettre et de se demander pourquoi, en effet, les roses ont des épines ; cependant, au-delà de cela, il faut voir dans la rose la métaphore d’un être vulnérable qui sort « ses griffes », qui se replie dans sa carapace lorsqu’il se sent en danger. Une apparence de méchanceté cache parfois une simple faiblesse, une peur.

 

   En ce qui concerne les dialogues, ils occupent une place prépondérante dans le texte, car ils sont le moteur des idées : ils font avancer la pensée de deux êtres et constituent la porte d'entrée dans l’univers fantastique du petit prince.

 

   La simplicité du texte le rend accessible à tous, mais cela permet aussi d’en faire un conte fondamental à lire absolument. On peut faire une lecture parfaitement différente de ce roman d’une étape à l’autre de sa vie, mais il permet de se rappeler à chaque fois l’essentiel : garder son cœur d’enfant!

 

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SAINT-EXUPÉRY, A. Le petit prince, France, Gallimard, 1999, [1943], 104 p. (Collection « Folio »).

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