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Un coup droit au coeur

 

Magalie Godbout

 


   On pense passer une journée comme les autres. On se lève un matin, on doit réveiller les membres de sa famille, préparer à manger, aller au boulot, faire les courses pour le souper puis se recoucher. Ce matin, on annonce qu’une guerre a débuté, que le quartier d’à côté est en train de brûler, que les enfants se sont fait kidnapper, que l’hôpital vient d’exploser et que son conjoint est mort. Voilà la recette parfaite pour une crise de panique ou de cœur, pour un niveau de stress à cent pour cent. Voilà ce à quoi ressemble le roman Maximum Ride : Opération Angel, de James Patterson.

 

    Ce dernier est un auteur de thrillers américain. Né en 1947 dans l’état de New York, il commence à écrire dès l’âge de dix-neuf ans. Il est maintenant reconnu pour ses romans. On dit de cet homme qu’il est l’écrivain le mieux payé du monde. De plus, il a été le premier à vendre plus d’un million de ses romans en version électronique. Outre ses thrillers, il sait maîtriser la littérature pour jeunes adultes; c’est le cas avec le roman ici en question.

 

   Maximum Ride est une adolescente de 14 ans qui est en charge de cinq autres enfants plus jeunes qu’elle. Cependant, ils n’ont pas une enfance comme les autres. Ils ont la capacité de voler grâce à des ailes qu’ils ont obtenues à la naissance à cause d'expériences génétiques secrètes et illégales. Parce qu’ils étaient maltraités, Max et sa famille reconstituée ont voulu s’échapper du laboratoire surnommé l’École. Aujourd’hui, ils passent leur temps à fuir les scientifiques et leurs Erasers, des monstres à moitié hommes, à moitié loups, aussi créés en laboratoire. Max se doit d’assumer les tâches de protéger et de nourrir sa famille, de rester en vie et de sauver le monde tout en demeurant saine d’esprit.

 

   Ce roman de science-fiction mérite bien d’être connu parce que son histoire a beaucoup à offrir aux lecteurs. Les thèmes qui y sont abordés poussent ceux-ci à amorcer une réflexion sur différentes valeurs. Entre autres, il est très souvent question de la famille. Dans le récit, on a affaire à un groupe de jeunes qui n’ont presque aucun lien de sang, à l’exception d’un frère et d’une sœur, ce qui amène à se questionner parce qu’il ne s’agit pas d’une famille conventionnelle. C’est tout le contraire. Il est rare de voir une famille où les rôles du père et de la mère sont joués par une adolescente de 14 ans qui doit élever cinq enfants plus jeunes. Cela semble improbable, voire difficile à imaginer, mais on est surpris de se rendre compte que Max sait s’y prendre : « Personne pour nous dire quoi faire, quoi manger, quand aller nous coucher. Enfin, personne sauf moi. Je suis la plus âgée, alors j’essaie de faire tourner la maison comme je peux. Ce n’est pas un boulot facile et c’est plutôt ingrat, mais il faut bien que quelqu’un le fasse. » (p.20-21). Il est donc intéressant de constater que le modèle dont s'inspire Patterson pour ses personnages est loin de ressembler à celui de la famille nucléaire avec deux parents mariés. Dans cette famille élargie ailée, la cohésion du groupe est liée à une forte solidarité, qui fait qu’aucun membre n’est livré à lui-même. Il est agréable de lire un récit qui sort des sentiers battus.

 

   Ensuite, il y a des valeurs qui sont mises de l’avant ou des thèmes que l’on pourrait se permettre de définir comme étant éducatifs. En effet, on retrouve à plusieurs reprises celui de la liberté qui, tout comme celui de la famille, est abordé de manière différente de ce à quoi les gens sont habitués : « Ici, ma famille et moi, on pouvait être nous-mêmes. Ici, on pouvait vivre en liberté. Et je dis bien ″liberté″ par opposition à ″captivité″, au temps où l’on vivait dans des cages. » (p.20). La liberté est une valeur très importante pour les personnages principaux puisqu’ils ont été enfermés dans une cage toute leur jeunesse. Dans le même ordre d’idées, les oiseaux sont souvent symboles de liberté, même si la plupart d’entre eux vivent aussi dans des cages. Lorsqu’ils déploient leurs ailes, ils acquièrent leur liberté tout comme Max et sa famille. Quoi de plus représentatif pour la liberté que la capacité de s’envoler?

 

   On pourrait être porté à sous-estimer un roman pour jeune adulte pour ce qui est de la forme, mais l’auteur peut toujours surprendre. La plupart du temps, Max est la narratrice. Dans certains chapitres, on trouve une focalisation externe lorsque la jeune fille n’est pas présente. Toutefois, ce qu’il y a de particulier, c’est le fait qu'à plusieurs reprises, elle s'adresse au lecteur. Encore  une fois,  on sort des normes en brisant le quatrième  mur.  Dès  la  première  page  du  roman, Max  nous  donne  un avertissement : « Sachez qu’en lisant cette  histoire vous  allez  instantanément  faire partie de l’expérience.  Je  sais  que  ça a  l’air  un  peu  mystérieux,  mais  c’est  tout  ce   que  je  peux  vous  dire pour  le  moment.  Signé : Max. » (p. 7) Maximum Ride est ainsi un incontournable puisqu’il est un des livres qui brisent la narration standard, apportant ainsi une bouffée d’air frais.

 

   Un autre aspect propre au roman de Patterson qui mène à une appréciation certaine, c’est la science-fiction. Le genre et les descriptions détaillées sont fort recherchés. Effectivement, dans plusieurs passages, on a droit à une reconstitution épatante du domaine de la science et des technologies qui ajoute du réalisme : « Encore deux autres échantillons de sang et on aura fini avec les analyses de glucose. On pourra alors passer à l’électro-encéphalogramme. » (p.119). Le travail fait sur les descriptions est fin. On voit que la recherche a été faite. Patterson donne énormément de détails lorsque les personnages principaux sont en plein vol. Le réalisme vient du fait que l’on a l’impression de voler avec eux. De plus, la science-fiction est un monde inspirant qui offre une vision axée sur les possibilités scientifiques de l’avenir.

 

   En bref, Maximum Ride mérite bien sa place au sein d'une bibliothèque idéale. De la première à la dernière page, on reste captivé par l’action. Il y a même une question éthique par rapport aux expériences génétique sur les humains. Reste à savoir si c’était l’intention de Patterson de sensibiliser les jeunes qui liraient son roman.

 

 

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PATTERSON, James. Maximum Ride: Opération Angel, Paris, Hachette, 2008, [2005], 574 p. (Collection « Jeunesse »).

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